Cette histoire est la prémice d’une légende, l’origine d’un mythe, l’apparition d’un héros… Personne ne croyait en lui, ni les Dieux, ni les gens qu’il connaissait. Et pourtant, il allait accomplir de grandes choses, des faits d’armes et autres actes de bravoures qui inspireraient moult chansons et de nombreux poèmes…
Enfant, il vivait dans un petit village, simple, isolé. Qui pouvait se douter que cet endroit misérable verrait la naissance d’un si grand Homme ? Cet homme, son nom est * clic * … Bordel, qui a éteint la lumière ?!
* clic *
Ah, merci !
Cet homme, son nom est…

« - QUIIIZZ !! Qu’est-ce que tu fous encore ?! Viens immédiatement me peler ces oignons ou t’auras à faire à moi ! » La voix provenait d’une petite masure à demi effondrée, et, mêlant aussi bien les graves et les aigus, ressemblait plus ou moins à quelque chose de féminin.
« - Mais, maman, tu sais bien que dès que je touche une lame je me coupe ! J’ai failli mourir d’une infection la dernière fois que je me suis coupé les ongles ! En plus les oignons ça fait pleurer. Et je me déshydrate si rapidement ! » Cette voix-ci provenait de ce qui s’apparentait à un jardin potager (si on peut appeler quelques mètres carrés de terre et quatre pieds de tomate ainsi), et appartenait à un jeune homme pré pubère.
« - Ne fais pas l’enfant Quizz, sinon je le dis à ton père et il sera dans l’obligation de se fâcher ! Tu sais comment il est quand il est fâché hein ?! Tu es un incapable, d’accord, mais pas à ce point là, si ? »
Le jeune homme ne le savait que trop bien, son brave papa, en ce moment même affalé endormi sur un fauteuil, avait de la tension, et la dernière fois qu’il s’était énervé, il avait été très proche de l’infarctus.
« - Bon, d’accord, j’arrive… »
Il lâcha alors sa bêche, qui, en tombant sur une motte de terre, dû décapiter une taupe de passage, étant donné le bruit horrible qu’elle fit.
Encore frissonnant et victime de sueurs froides à l’idée du meurtre horrible qu’il venait de perpétrer (et sans témoins en plus, le meurtre parfait), il se mit à la dangereuse tâche de peler des oignons.
Quelques minutes plus tard, la moitié du village était aux fenêtres de la maisonnette, observant avec attention le guérisseur tenter de recoller le doigt sectionné net de Quizz.
Ses hurlements ponctuaient les coups d’aiguille du rebouteux, qui avait trouvé là l’occasion de tester ses théories sur la conservation des chairs.
« - Alors tu vois que ça ne fait pas mal, hein ?
- Argh…
- Haha ! Bon, on va nettoyer cette table, avec tous ces morceaux de tissus imbibés de sang, je ne vois plus ce que je fais. Voilà. Et tu me trempes ça trois fois par jour dans du formol, hmm ?
- Eurg… »
Et ainsi Quizz ne mangea pas d’oignons ce midi, et passa une grande partie de la journée à vérifier que son doigt ne se décollait pas de sa main. Il en profita pour faire le tour du village, en prenant grand soin d’éviter l’enclos à moutons (des bêtes ignobles et sanguinaires). Il passa devant le forgeron, et observa l’apprenti forgeron. Puis il passa devant le cordonnier et observa l’apprenti cordonnier. Puis il passa devant le croque-mort et observa l’apprenti croque-mort. Enfin, il passa devant le boucher et vomit toutes ses tripes (comment peut-on exercer un métier aussi violent ?). Il s’assit alors sur un banc en bord de route, et réfléchit sur sa vie. Cela fut fort rapide, car il se rendit compte que finalement, il n’avait pour le moment rien fait de son existence. Il était né au village, il avait grandi au village, et il allait sans doute mourir au village. De telles pensées lui vrillèrent le moral (encore plus que la vue de son doigt sanguinolent cousu sur sa main), et il se vit déjà entre les quatre planches qu’était en train de clouer entre elles (de façon fort maladroite) l’apprenti croque-mort.
Tout à coup, une main s’abattit sur son épaule, il tenta de se soustraire à son étreinte avec un hurlement de terreur, mais elle le serra davantage, tout en prononçant son nom. C’est seulement alors qu’il prit conscience du reste du corps rattaché à cette main – son papa.
« - Hey fiston, ce n’est que moi !
- * Regard exorbité, et main crispée sur le cœur *
- Hem, bon, tu vois fiston, j’ai beaucoup réfléchi à ce que tu avais accompli jusqu’à aujourd’hui, et…
- * Regard exorbité, et main crispée sur le cœur *
- … Il me semble que tu n’es pas sur la bonne voie.
- Ouais… J’étais déjà arrivé à cette conclusion…
- Haaa, je suis fier de toi, voir sa médiocrité, c’est bien, j’étais deux fois plus âgé que toi quand je me suis aperçu que j’étais un raté. Bien, j’ai vu le bourgmestre, et il a reçu un parchemin annonçant la venue d’un chevalier très puissant dans notre village, rayonna-t-il.
- Mais qu’est-ce qu’il vient faire dans notre bled paumé ?
- Parait qu’il cherche un écuyer…
- Ah ??
- … Courageux et sans peur.
- Oh…
- Alors je me suis dit que tu pourrais tenter ta chance.
- Mais papa, tu sais bien que je suis un gros trouillard ! Couina-t-il.
- C’est héréditaire, je sais, mais tu peux au moins faire semblant aujourd’hui, non ?
- Aujourd’hui ?
- Héhé, oui, le bourgmestre a mis plus d’une semaine à déchiffrer le message.
- Il fait des progrès, ses leçons de lecture sont vraiment efficaces… »

Et le soir même, alors que tous les habitants du petit village avaient le nez dans leur soupe, on entendit des bruits de sabots accompagnés de crissements stridents. Les quelques curieux qui sortirent purent admirer un magnifique chevalier monté sur un étalon noir, homme et animal tout d’armure (rouillée) vêtus.
« - Qu’on aille me chercher le bourgmestre, tonitrua ce dernier.
- C’est que, il dort, vot’seigneurie.
- Dans ce cas, qu’on aille réveiller le bourgmestre !
- C’est que, la porte est verrouillée, vot’seigneurie.
- Et bien, qu’on aille ouvrir cette porte et qu’on m’amène le bourgmestre !
- C’est que, on n’a pas la clef, vot’seign…
- Suffit, manant, obéissez, ou je vous donne à manger en pâture à mon destrier ! »
Le pauvre villageois ne sut pas vraiment ce qui était le plus angoissant, les menaces, ou le teint cadavérique de l’homme en armure (rouillée). Le regard noir de celui-ci ne le décida pas à s’appesantir sur la question, et il prit ses jambes à son cou pour aller dégoter le bourgmestre.
Le chef du village arriva quelques instants plus tard, habillé d’une simple chemise de nuit et d’un bonnet à pompon.
« - Bonsoir votre seigneurie, je suppose que vous êtes venus chercher votre écuyer ?
- C’est cela même, montrez moi un peu votre jeunesse… »
On fit aligner tous les jeunes hommes sur la place du village, afin qu’ils puissent être inspectés un à un.
« - Trop gros… Trop maigre… Trop sale… Trop… Hey, celui-ci est mort !
- C’est horrible !
- Il s’en remettra… Trop petit… »
Puis vint enfin le tour de Quizz, qui s’échinait à fuir le regard inquisiteur de l’homme.
« - Quel est ton nom, fiston ?
- Mugnumuuu
- Comment ?
- Q… Qu… Quizz, m’seigneur.
- Dis-moi, jeune Quizz, où donc est le pouvoir d’un homme ?
- Gné ? »
Alors qu’il articulait sa réponse, Quizz ressentit une vive douleur au niveau du doigt coupé et le leva devant ses yeux pour l’examiner. Sur ce, le chevalier partit d’un rire joyeux et se tourna vers le bougmestre.
« - Dans mes songes, je n’ai pas aperçu le visage de mon écuyer, ni son âge, mais il connaissait la réponse à ma question. Et cet homme-ci est le premier à me répondre. Il sera mon écuyer.
- MOI ?? S’écria Quizz.
- LUI ?? S’écria le village.
- Mon fils ! S’écria son papa.

Et ainsi fut fait. Quizz passa sa dernière nuit en compagnie de sa maman et de son papa, et, le lendemain, à l’aube, fit ses adieux au petit village. Il emporta tout de même son sac de billes, dont il ne s’était jamais séparé.
« - Où allons-nous, m’seigneur ?
- Je t’emmène à la cité la plus proche, Akavar, où tu rencontreras une espèce de… Voyant. »
Il avait prononcé ce mot après un léger temps de réflexion, comme s’il cherchait le terme définissant le mieux cette personne, bien qu’il n’eut pas l’air tout à fait sûr que ce soit le plus approprié…
« - Un voyant ? Pour voir quoi ?
- Voir si tu es bien l’Elu, Celui Qui a Eté Choisi, Le Héros, Le Pourfendeur De Démons, Le Sauveur, Le Mythe du Peuple, L’Epée de L’Aube, tout ça…
- Vous avez dû vous tromper, je m’appelle Quizz.
- Ce n’étaient là que des surnoms tirés de légendes.
- Oh. Et il est censé ressembler à quoi, ce mythe du démon ?
- Le Mythe du Peuple. D’après ce que j’en sais, il possède une intelligence hors du commun, une bravoure sans pareil, une force surhum… »
Il arrêta net son discours, avisant la chétive personne de son écuyer.
« - Hem, une force surhumaine et tout un tas de qualités propres aux héros.
- Ca a l’air d’être quelqu’un d’intéressant !
- Sans doute… »
Le doute l’assaillit sur son choix, quand Quizz tenta de monter derrière lui sur la croupe du destrier, en ne réussissant à monter qu’à la douzième reprise, et encore, à l’envers.
Ils chevauchèrent toute la journée parmi la nature luxuriante caractérisant la région, longeant forêts, rivières, et collines. Le chevalier interrogea Quizz sur sa vie au village, ce qui ne prit guère de temps, et ils restèrent silencieux la plus grosse partie du chemin. Ils bivouaquèrent le soir à l’écart de la route. L’homme en armure, qui se révéla s’appeler Eltan, mit pied à terre et commença à préparer un feu.
« - Quizz, tu veux bien monter la tente s’il te plait ?
- Je veux bien, mais c’est dangereux vous savez.
- Pardon ?
- Oui, un accident est vite arrivé. Et si je m’empalais avec un piquet de tente ? Et si cette nuit l’armature cédait, faisant tomber sur nous le tissu, qui nous étouffera alors ? Et si elle prenait feu ? Et si…
- Hmm, oui, bon, contente-toi de la dresser… »
Les deux hommes dînèrent de viande séchée et de pain, le feu leur prodiguant une chaleur bienfaisante.
« - Dis-moi Quizz, tiens-tu une hygiène corporelle saine ?
- Oui M’seigneur, je me baignais une fois la semaine dans la rivière à côté du village, même si j’aimais pas trop ça, à cause des poissons… Dangereux, ces bêtes-là…
- Hmm, quelle est donc cette odeur épouvantable ?
- Ah ? J’crois que c’est mon doigt…
- C’est vraiment dégoûtant ! »
Il s’avança vers son écuyer, saisit son doigt à pleine main, et tira pour l’examiner.
« - Ouaaaarg !!
- On va te faire un pansement correct… Je ne pensais pas que L’Elu serait un mutilé…
- Reuuu…
- Dis-moi, jeune Quizz, sais-tu te battre à l’épée ?
- Pas vraiment…
-Et bien nous allons commencer ton entraînement dès maintenant !
- C’est que, j’ai mal, M’seigneur.
- Un héros digne de ce nom doit passer outre ses souffrances physiques.
- Même si ça fait très bobo ?
- Surtout si ça fait très bobo. Un homme insensible à la douleur combat jusqu’à la mort sans faiblir. Allez, tiens, prends cette arme. »
Eltan fouilla dans son paquetage et en sortit une petite épée, qui, à la surprise de Quizz, était très légère.
« - Je peux en avoir une en carton plutôt?
- Haha, n’aies pas peur, tu ne me blesseras pas.
- Nan, c’est pour ne pas me blesser moi…
- Oh. »
Ils ferraillèrent pendant de longues minutes, et à la fin de la leçon, Quizz ne pouvait pas bouger un seul de ses membres sans qu’une douleur stridente ne se fasse ressentir.

Il se réveilla le lendemain, moulu, et se découvrit des muscles à des endroits qu’il n’avait jamais soupçonnés… Il ne se rappelait même pas s’être couché.
Dehors, Eltan préparait le petit déjeuner…
« - Aaaah, voilà mon écuyer. Alors, cet entraînement t’a plu ?
- Pas vraiment… J’ai toujours détesté la violence.
- Héhé, c’est bien d’avoir de l’humour au réveil, ça donne du cœur au ventre pour pourfendre du monstre toute la journée !
- Mais je… »
Il ne pu finir sa phrase, son mentor lui enfonçant une tranche de pain directement dans la bouche.
« - Allez, mange, ce n’est pas bien de chevaucher le ventre vide.
- Gnchfmoufmoufgn !
Et ils reprirent la route. Quand le soleil fut haut dans le ciel et que Quizz eut vomit plusieurs fois son petit déjeuner, les murs de la ville furent en vue.
« - Aaah, Akavar, n’est-ce pas magnifique ?
- Euuurg…
- Tu as raison, montrer ses sentiments, c’est montrer ses faiblesses ! »
C’était une grande cité, non par la noblesse, la puissance de son port ou la richesse de ses marchands, elle regroupait juste une population phénoménale et s’étendait sur des lieues et des lieues. Elle était réputée pour ses petites rues coupes gorges, ses tavernes et leurs bagarres, le fumet des charognes dans les caniveaux, et tout un tas de raison attirant les aventuriers belliqueux et autres fous dangereux.
« - Tant que ça ? S’étonna Quizz après le résumé de narration.
- Eh oui, mais avec moi, tu ne crains rien. De plus nous ne restons pas longtemps, la Voyante va sans doute te confier une grande quête qui t’emmènera loin d’ici.
- Pas trop loin, j’espère, je n’ai aucun sens de l’orientation.
- Mouais. Nous allons tout de même faire halte dans un établissement convenable afin de nous désaltérer de notre longue route. »
Ils pénétrèrent dans la ville et marchèrent un moment dans les rues, jusqu’à trouver une taverne n’ayant pas de vitres cassées, et ne cachant à priori pas trop de cadavres dans ses murs, du haut de gamme donc. Eltan fit s’asseoir Quizz tandis qu’il allait commander. Les gens le dépouillaient du regard, chacun estimant combien pourrait rapporter son agression, si oui ou non cela était risqué, ou encore s’il avait changé récemment de sous vêtements (emplacement qui, c’est bien connu, recèle souvent une petite fortune). Bien entendu, le jeune écuyer ne se rendit compte de rien, et se contentait de fixer le plafond, qu’il trouvait de fort bel ouvrage.
« - Tiens, bois de ce nectar, fit le chevalier en posant une chope devant le jeune homme.
- Hou, c’est fort, grimaça-t-il après avoir goûté.
- C’est de la grenadine, une boisson d’homme, mon ptit gars. »
Ils en burent quantités, sans être dérangés par les braves brigands de l’établissement, le chevalier étant suffisamment imposant pour les tenir à l’écart. Quand Quizz eut l’esprit embué par la fraise, Eltan décida qu’il était temps de se rendre chez la Voyante.

Elle tenait une boutique un peu plus loin dans la ville, facilement reconnaissable aux peaux de chats séchées et autres crânes de volatiles divers recouvrant sa devanture… Ce n’était manifestement pas la clientèle qui l’étouffait aujourd’hui, la rue étant pour ainsi dire déserte.
Tenant son écuyer par le bras, Eltan pénétra dans le magasin. Une toux violente leur signala la présence de la Voyante derrière une épaisse masse de rideaux. De nombreuses étagères étaient disposées le long des murs, et Quizz préféra éviter de les examiner plus avant après avoir aperçu quelques cervelles baignant dans des bocaux. Il glissa sur quelque chose, mais ne put se résoudre à baisser le regard pour voir de quoi il s’agissait. Le bruit qui avait été émit (* spouiche *) suffisait amplement à l’en dissuader.
Une vieille femme écarta alors les rideaux pour les rejoindre. Au grand soulagement du jeune homme, elle n’était ni borgne, ni bossue, ni monstrueuse. Juste l’air d’une vieille grand-mère.
« - Bonjour messieurs, vous venez me consulter ? Theu rtheu !…
- Oui Ordalie, je viens quérir vos talents de divinatrice en ce qui concerne ce jeune homme.
- Hmmm, bien bien bien, ça vous fera cinquante pièces d’or.
- C’est pas un peu cher M’seigneur ?
- Tais-toi Quizz, il y a des fois où il faut savoir mettre le prix.
- Bien, dans ce cas passons à côté, si vous le voulez bien. »
Ils s’installèrent alors dans la salle derrière les rideaux, et dont le sol était jonché de coussins, arrangés autour d’une petite table basse et ronde. Une boule de cristal trônait en son centre. Ordalie s’assit, et ses clients en firent de même. Elle ferma les yeux et commença à faire tourner ses mains autour de sa boule…
« - Hmmm… Theu theu… Je vois… Un petit garçon espiègle… Attaqué par des fourmis… Rougeâtres…
« - Hey c’est vrai, j’ai failli mourir à sept ans, attaqué par une fourmi rouge !
- CHUUUT !!
- Je vois… Je vois… je vois… Theu !
- Ca, pour une voyante…
- CHUUUT !!
- Je vois… Je vois une épée… S’abattant sur un monstre terrible… je vois la naissance d’un héro… Je vois une main mutilée… Comme la tienne, jeune homme…
- Vous êtes perspicace !
- Non je suis Ordalie.
- Oui bon, vous n’avez donc rien de plus précis à son propos ? Que doit-il accomplir pour devenir ce héros ?
- Mouais, laissez moi une seconde. »
Elle se concentra un moment sans parler, et alors qu’ils crurent qu’elle s’était endormie, elle reprit la parole :
« - Ta destinée est grande, jeune homme. Tu vas devoir prendre la route-hhhheeeeuuuur…. Reuuuuh !! Theu ! Theu !!
- La routeur, reteuteu ?!
- La ROUTE, imbécile ! La route qui mène au port… Là tu prendras un bateau, qui te mènera sur une île lointaine, sur laquelle se trouve un monstre horrible. Tue ce monstre, et tu trouveras de quoi accomplir ton destin.
- Un monstre ? »
Sa voix s’était réduite à un petit couinement, dont même une souris aurait eu honte.
« - Ce n’est rien petit, je t’aiderai, lui garantit Eltan. Tu sais, des monstres, j’en ai pourfendus à la pelle !
- Ce combat, il devra le livrer seul, chevalier, lui assura la vieille.
- Oh.
- J’veux pas mourriiiiiiir !
- … Vous êtes sûre que c’est bien lui le futur héros ?
- On ne peut plus sûre.
- Bon, d’accord, prenez vos cinquante pièces d’or, nous partons.
- Cent pièces d’or. Je dois changer le coussin sur lequel est assis votre écuyer à présent. »

Ils trouvèrent facilement un équipage suicidaire, qui accepta de les mener sur l’île indiquée par la Voyante. La perspective d’une mort presque certaine semblait être un argument très valable pour embaucher des gens dans cette ville.
Très bizarrement, le voyage se passa sans encombre, nulle tempête, nul monstre marin et nulle épidémie ne vint troubler la quiétude du périple, ponctué par les chansons paillardes des matelots et les vomissements de Quizz par-dessus le bastingage.
Quand tout à coup, un beau matin :
« - TEEEEERRE !!
- Où ça ?
-Sous le bateau !
- Quel est l’idiot qui était à la barre cette nuit ?!
- Je crois que c’est vous commandant.
- Ne soyez pas bêtes, on ne peut pas diriger un bateau de sa chambre et… Oh. Bon allez bougez-vous les fesses bande de moules, déchargez les vivres ! »
Cela prit une grosse part de la matinée, mais Quizz et le chevalier furent fin prêts à partir à l’aventure.
« - Ma main me fait mal, M’seigneur.
- Si ça fait mal, c’est que tu es encre en vie. Penses-y, au combat. »
Au centre de l’île se tenait un volcan, et à son sommet (ou presque) se tenait apparemment l’antre du terrible monstre que le jeune homme devait abattre. Un ignoble minotaure, se terrant au fond d’un dédale sombre et puant.
« - Je crois que l’ascension va être périlleuse Quizz, reste près de moi.
- Bof, suffit de suivre les panneaux non ? »
Une pancarte, non loin, indiquait en lettres de sang : « Minotaure Sanguinaire, 500m »
« - Ah, je suppose que oui. »
Ils suivirent donc un chemin balisé, jusqu’à trouver une grotte, vraisemblablement l’entrée du repaire du monstre.
« - Bon, et bien mon petit, c’est l’heure, tu dois y aller seul à présent.
- Vous voulez pas m’accompagner, même un tout petit peu ?
- Que ne le puis-je ! N’oublie pas ton épée… »
L’épée en question, il la tenait mal en main, avec son doigt en moins, et il ne savait guère s’en servir, malgré les quelques leçons du chevalier. Il la prit tout de même, et s’avança. Dieu merci, l’endroit n’était pas sombre du tout, comme l’avait affirmé la Voyante, juste puant. Des torches parsemaient les murs régulièrement et projetaient des ombres effrayantes. Il crut son heure arrivée quand un rat croisa sa route, ses traits déformés par la lumière des flammes. Mais finalement, ce dédale ne fut pas si terrible que ça. Là encore, des panneaux indiquaient le chemin.
Il arriva enfin dans une grande salle, soutenue par des colonnes. Derrière lui trônait une statue de minotaure, possédant des cornes gigantesques. Il trouvait la créature bien assez hideuse en statue de pierre, mais quand celle-ci se présenta devant lui, masse de muscles, de poils et de cornes, de la fumée se dégageant de ses naseaux, il ne put retenir sa vessie.
« - Salut, je suis le minotaure ! C’est gentil de passer me voir ! Ne crains rien, ça ne va pas durer longtemps. C’était une bonne idée non les panneaux ? Ca attire les aventuriers… Bon, que je t’explique : là je vais prendre mon élan, puis me jeter sur toi, te piétiner encore et encore, jusqu’à ce que tu ne sois plus qu’une bouillie sanguinolente, et enfin je vais me repaître des petits bouts qui vont rester.
- Quelle galère !»
Quizz, tétanisé, se contenta de se coucher par terre en position fœtale. Mouvement accompagné du bruit que font des billes tombant au sol (son sac venait de se répandre).
Et tout se passa très vite. Le monstre chargea, glissa sur les dalles recouvertes de petites billes, fit un vol plané au dessus d’un Quizz médusé, et alla s’empaler sur les cornes de la statue le représentant, dans un rugissement d’indignation.
« - Ca alors, je l’ai battu, et tout seul en plus ! »

Dehors, le chevalier était très inquiet, il avait entendu des rugissements, et puis plus rien. Quand il vit Quizz sortir, blessé à la jambe et boitant légèrement, une épée étrange à la main, son soulagement était immense.
« - Tu as réussi !
- Oui, et j’ai trouvé cette épée bizarre aussi… On dirait qu’elle est faite pour quelqu’un qui n’a que quatre doigts !
- Ainsi, j’avais raison, tu es bel et bien le Héro !!
- Euh, ouais… »

Quizz ne raconta jamais comment il avait réellement battu le monstre, ni comment il l’avait trouvé. Il ne dit jamais non plus qu’il boitait non pas suite au combat, mais parce qu’il s’était coupé avec son épée.
Il ne pela plus jamais d’oignons non plus.
La suite… C’est une autre histoire…

Akodo